On a beaucoup parlé de la révolution 4.0 dans l’industrie manufacturière. On a moins discuté des diverses interprétations que l’on en donne. Entendons-nous pour définir le manufacturing 4.0 comme une nouvelle façon de concevoir la fabrication assistée de biens de consommation grâce à la robotisation et à la communication accrue des éléments de la chaîne de production entre eux.
Qu’est-ce que le reshoring vient faire là-dedans?
On oublie souvent que l’offshoring – le déplacement des unités de production vers les pays émergents – a grandement été conditionné par le coût de main-d’œuvre, alors que celui-ci était un facteur important du prix de revient; plus important en fait que le coût logistique de transporter les biens vers les marchés de consommation. On voit que ce n’est plus vrai aujourd’hui. L’augmentation des coûts de main-d’œuvre des pays émergents, l’augmentation aussi des coûts de logistique ont été les premiers indices que le prix de revient en pays émergent s’approchait des prix de revient en pays développés. Selon un article publié par Universal Robots (décembre 2017), les États-Unis perdaient encore 150 000 emplois manufacturiers en 2003 alors qu’en 2013, ce chiffre était…0!
Selon un sondage du Boston Consulting Group, plusieurs dirigeants d’entreprises américaines entreprenaient un processus de rapatriement de leur production (9% de plus de répondants par rapport à 2014 et 250% de plus par rapport à 2012).
Le 4.0 accélère l’effet du reshoring
En même temps, le même sondage nous apprend que 56% des répondants soutenaient que l’automation avait amélioré significativement leur compétitivité, 71% déclaraient que l’automation avancée contribuerait à réduire les coûts de production et 72% affirmaient investir des sommes considérables dans l’automation et la robotisation pour augmenter la flexibilité de la réponse au client.
Donc : le COBOT????
Si ces deux éléments combinés font maintenant tourner la roue de plus en plus rapidement vers un retour de la fabrication plus près des marchés de consommation, on assiste en plus à une demande des clients de plus en plus « personnalisée ». Cela demande donc, non seulement une robotisation de la ligne de production, mais également une plus grande flexibilité de l’interface de communication entre les robots et le personnel de production. D’où le terme de COBOT – COllaborative roBOT – un robot contrôlé par ordinateur pour assister une personne en temps réel, soit directement sur la chaîne de production, ou même à distance le long de la chaîne d’approvisionnement.
L’idée permet de réduire à la fois les coûts de production, les coûts d’entreposage et les coûts liés aux changements des courses de production (entre la commande, l’exécution et la livraison). Tout cela contribue au rapatriement des chaînes de production et des chaînes d’approvisionnement le plus près possible des marchés de consommation. Moins de retards, moins de stocks tampons, plus grande rapidité de livraison…c’est le modèle Amazon.
Par contre : deux signaux d’alarme
Le rapatriement peut être une bonne nouvelle en soi, mais il s’accompagnera nécessairement d’une réduction significative des emplois manufacturiers puisque le modèle économique du phénomène a comme prémisse une robotisation des moyens de production. Ainsi une usine de Chine employant 2 000 personnes a récemment été rapatriée à Montréal et a créé…400 emplois. On ne retrouvera donc pas le niveau d’emplois manufacturiers des années 1980 au Québec.
Une des hypothèses du reshoring est de rapprocher les usines de fabrication au plus près des centres de consommation. Bien que le Québec et le Canada fassent tous deux partie du marché de l’ALENA (encore que celui-ci est menacé), il est excentrique par définition. Il n’est donc pas un site naturel d’implantation. Il faudra donc se doter d’une stratégie solide en matière d’attraction d’investissements pour accueillir, même dans nos grandes agglomérations, notre juste part des unités de production rapatriées. Au niveau local, cela veut dire préparer nos structures d’accueil immobilières, nos programmes d’incitatifs et de susciter une collaboration plus étroite entre les formateurs de main-d’œuvre et les spécialistes de développement économique. L’adéquation de la main-d’œuvre avec les nouveaux outils du manufacturing 4.0 sera en effet au centre du potentiel d’attraction de nos régions. Ce ne sera plus la question du coût de main-d’œuvre qui suscitera les discussions, mais bien le degré de flexibilité et la compétence technique qui feront foi des succès du futur.
Sommes-nous prêts?
Bien sûr que non! L’est-on jamais? Mais on sent une mobilisation certaine et une conscientisation de plus en plus militante pour préparer ce futur. J’ai personnellement bien aimé la mobilisation autour de la candidature de Montréal pour accueillir le futur siège d’Amazon. Même si on ne gagne pas cette course, la candidature a permis de fourbir nos armes, de mettre en évidence les forces de notre économie – et elles sont nombreuses – dans le domaine des créneaux du futur. Ce qui est vrai pour Montréal doit aussi l’être pour toutes les régions du Québec. Chacune d’entre elles doit redéfinir ses forces à l’aune des nouvelles donnes du manufacturing et du déploiement des chaînes de valeur.
Bonne année 2018!!!
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