Depuis l’adoption en 1978 de la loi sur la protection du territoire agricole, la plupart des promoteurs ont dû s’adapter à une façon différente de développer le territoire. Si on s’entend pour dire que la loi n’a pas suffisamment freiné l’étalement urbain, particulièrement à Montréal, on doit aussi constater que les petites localités – celles de moins de 1 500 habitants en particulier – ont subi une lente érosion et un vieillissement de leur population.
Le premier résultat de cette érosion est d’abord une concentration des populations vers les villes-centres en région et une difficulté à renouveler le tissu socio-démographique des petits villages. Bien que l’on constate le phénomène, il manque d’études rigoureuses pour en cerner l’ampleur et les défis.
Or, l’équilibre déjà fragile qui maintient une certaine présence en région d’activités économiques alimentant le tissu commercial et social des petits milieux risque d’être fragilisé encore plus par les brèches dans la gestion de l’offre.
Comment?
Si on convient que l’activité économique principale du réseau des villages au Québec repose généralement sur l’agriculture, il est donc essentiel que celle-ci occupe un nombre assez important de familles pour justifier un « centre de services » composé minimalement d’une école primaire, de quelques commerces et des services de base.
Or, depuis 1978, les nécessités économiques ont entraîné la diminution du nombre de fermes et des travailleurs, la mécanisation accélérée, la diversification et le regroupement des exploitations. Ainsi, les fermes québécoises sont moins nombreuses (60 000 fermes en 1971 et moins de 30 000 maintenant) mais plus grandes. 42 000 personnes seulement vivent directement de l’exploitation des fermes en 2018 (selon le site de l’UPA).
Une spirale néfaste à l’occupation du territoire
Si ces changements se sont avérés essentiels à la survie des fermes du Québec, les brèches dans la gestion de l’offre viendront sûrement accélérer ce mouvement. Par exemple, la ferme laitière moyenne au Québec regroupe 64 vaches alors que la ferme américaine moyenne en regroupe 115 vaches, bien que 74% des fermes américaines aient moins de 100 vaches. Il faudra bien augmenter les troupeaux aux niveaux américains pour améliorer la compétitivité de nos fermes.
De plus, alors que le nombre de fermes dégringole, les exploitations dites « de grandes cultures » elles sont les seules dont on a constaté une augmentation entre 1971 et 2018 soit de 850 entreprises à 3 850.
Donc, moins de protection dans la gestion de l’offre équivaut à une accélération de la concentration vers des exploitations plus grandes, qui amène une plus grande mécanisation donc moins de fermes, moins de personnes et, conséquence finale, des noyaux villageois dévitalisés parce que soutenant des populations moins importantes.
L’occupation du territoire
En même temps, dans les politiques gouvernementales, aucun des indicateurs en occupation et vitalité du territoire ne tient compte de cette menace, ni en termes démographiques ni en termes « immobiliers » (voir le site du gouvernement du Québec au sujet de la Stratégie gouvernementale pour assurer l’occupation et la vitalité des territoires).
Or, si par attrition, la contribution de l’économie agricole à l’occupation diminue au point de briser le faible équilibre actuel qui permet à plusieurs villages de vivoter, ne serait-il pas temps d’explorer les avenues d’une diversification économique de ces milieux?
Or, pour ce faire, il faudrait repenser les critères de l’expansion des noyaux villageois pour permettre certaines activités industrielles de transformation générant peu de contraintes et adaptées à de petits milieux (un peu à l’instar des zones d’activités dites artisanales en France – voir site web ci-joint). Il faudrait aussi permettre une certaine extension de nouvelles zones résidentielles pour renforcer le tissu social et commercial des petites municipalités.
Bien sûr ces considérations vont à l’encontre du fondement même des principes de la protection du territoire agricole. Mais, le paysage actuel de l’agriculture, profondément différent de celui de 1978, doit générer une approche moins dogmatique de la survie des communautés.
D’autant que la renaissance d’une agriculture de proximité, biologique et familiale, permet d’en intégrer les principes dans une approche plus holistique de l’extension proposée des noyaux villageois les plus atteints par la déstructuration démographique. Les tenants de cette agriculture sont d’ailleurs les premiers à déplorer les difficultés rencontrées pour s’établir en région et y transformer localement le fruit de cultures sur de plus petites fermes, près des services.
Il nous appartient donc, au sein de l’APDEQ, à proposer et animer cette réflexion au niveau local pour repenser le développement de nos plus petits milieux et de trouver de nouvelles voies permettant une renaissance économique dynamique.
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