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Photo du rédacteurLouis Grenier

Pour une réhabilitation de l’usine

Dernière mise à jour : 2 mai

Depuis quelques années, on a vécu, en marge de la conscientisation écologique, une longue dépréciation de l’usine, ou du moins, du vocable.

On n’ose plus parler de ce terme. Le mot en u… est réputé sale, polluant, bruyant, et même déshumanisant pour ceux qui, « faute de mieux » (sic), y travaillent.

Or je prétends que l’usine de grand-papa qui répondait à ces qualitatifs n’existe plus qu’à quelques exemplaires qui ne sont certainement pas représentatifs du genre moderne.


C’est quoi une « usine »?

« Usine » vient du latin officina, par wisine et uisine (1274)1. Proprement et anciennement, l'usine est une machine mue par l'eau. C'est à partir de la révolution industrielle, qu’on nomme ainsi une fabrique dont le produit est obtenu par des machines plus que par le travail des ouvriers, tels que moulin, forge: l'utilisation de l'outil donc, et l'énergie hydraulique jusqu'à la révolution industrielle où on lui substitue la vapeur.



Usiner, c'est aussi façonner une pièce avec une machine-outil. Usiner, c'est encore travailler dans une usine, ou travailler dur, expression popularisée au début du XXe siècle.

Donc, une usine est un lieu de production pour y façonner des biens, biens qui serviront à notre consommation ou qui serviront à la production d’autres biens. Si on peut certes discuter de la pertinence de fabriquer autant de biens, d’utiliser autant de ressources, mais on ne peut cesser de produire, l’humain devant se loger, se chauffer, se vêtir et manger.


L’usine moderne : le fer de lance de l’innovation


Si l’innovation se pense dans les universités, elle se vit souvent dans les usines. C’est d’autant plus vrai au Québec, royaume du « patenteux », de la PME et de la débrouillardise industrieuse. On a une vision très sophistiquée de l’innovation, car on l’imagine créée à coups de millions de dollars au sein de laboratoires aseptisés aux lumières tamisées. Si cette vision répond à la réalité pour une certaine innovation en santé, en imagerie ou en intelligence artificielle, elle n’englobe pas tous les types d’innovation. Il reste encore des centaines de PME qui restent les émules du modèle de Bombardier. La motoneige n’a pas été pensée et encore moins réalisée en laboratoire. Pourtant elle a révolutionné le transport et les loisirs d’hiver et a généré des retombées qui se calculent en milliards de dollars.



Plus modestement, il existe des milliers d’exemples d’innovations qui se vivent au quotidien dans les usines québécoises : meilleur contrôle de fabrication, meilleure utilisation des intrants industriels, efficacité accrue des procédés d’usinage, nouveaux produits, souvent nichés, qui facilitent la vie des consommateurs industriels ou finaux.


Ces innovations sont rarement « comptabilisées » dans l’inventaire annuel des dépenses et des réalisations « R&D »; elles sont pourtant la meilleure justification de l’usine comme lieu d’innovation.


Le portrait des usines a changé pour de bon


Dans les années 1980, on comptait quelque 850 000 québécois.es qui travaillent en usine. Beaucoup de ces personnes travaillaient alors au salaire minimum, dans les secteurs dit « mous » du textile et du bois et surtout dans des conditions pas toujours optimales, il est vrai. Lentement, à la faveur de la mondialisation et du « offshoring », plusieurs de ces usines ont fermé. En 2000, il ne restait plus que 400 000 travailleurs dans les usines québécoises. Depuis, ce nombre a augmenté pour atteindre près de 450 000 au dernier recensement disponible.


Si le nombre de travailleurs a diminué, puis a recommencé à croître, c’est surtout parce que le profil des usines et des emplois s’est profondément modifié. S’il reste encore des usines polluantes (Fonderie Horne, par exemple), le profil des emplois, même au sein de ces usines-là, reste quand même positif avec des salaires largement au-dessus de la moyenne nationale.

De plus, pour une fonderie Horne, il existe des centaines d’usines non polluantes, non bruyantes et bien ancrées dans leur marché (local comme national et même pour certaines, international).


Le parc industriel du Québec que je visite aujourd’hui (et, croyez-moi, j’en visite plusieurs), s’il retarde encore avec ceux de l’Europe ou des États-Unis, est plus propre, plus vert, mieux aménagé que celui d’il y a 40 ans, 30 ans ou même 10 ans. En bref, on n’a pas à rougir de l’usine d’aujourd’hui ni à la contraindre – j’allais dire « l’ostraciser » - comme on le fait dans certains plans d’aménagement. Il faut donc mieux intégrer les lieux de fabrication, en comprendre la nomenclature – puisque tous les lieux de fabrication ne sont pas pareils - pour en faire une partie prenante du tissu urbain du futur.


L’usine peut et doit faire partie du paysage de nos villes modernes, non comme une « plaie nécessaire » mais comme un lieu d’épanouissement, d’échanges et d’enrichissement collectif. Elle l’est déjà à plusieurs égards, mais collectivement, on ne l’a pas vu évoluer.


De plus, si l’on veut justement sortir du modèle « industrie lourde ou minière au Québec, transformation ailleurs », il faut avantager l’usine de transformation sur l’ensemble du territoire. Ce n’est possible que si on avantage les produits nichés à forte valeur ajoutée, donc les produits innovants pour lesquels le coût de transport des intrants et des extrants est moins significatif sur le coût global de production (puisque, par exemple, certains milieux sont loin des marchés de consommation).


Or, c’est ce que font la plupart de nos PME les plus solides. Qu’on les appelle des anges, des gazelles ou d’autres qualificatifs, elles ont comme caractéristiques, un produit innovant, niché et à forte valeur ajoutée. C’est cette usine que l’on doit accueillir et encourager dans nos parcs industriels. Une meilleure compréhension des étapes intérimaires pour arriver à compléter ce portrait doit donc être incluse dans la réflexion du développement industriel. C’est à ce prix que l’on réhabilitera l’u…!


 

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