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Reshoring : l’impossible rêve trumpien

Dernière mise à jour : il y a 1 jour

Il serait amusant, si ce n’était pas aussi dangereux, de suivre l’évolution du va-et-vient de la pensée de l’agent orange. Beaucoup d’analystes essaient de comprendre sur quelle planète vit cet exemple parfait du narcissisme sans limites.


Permettez-moi d’ajouter mon grain de sel. Il n’y a rien à comprendre, sinon la démonstration la plus parfaite de ce qu’on appelle la pensée linéaire. « Toute chose ressemble à un clou, pour celui qui ne possède qu’un marteau » écrivait Abraham Maslow. Remarquez que le marteau de M. Trump ressemble davantage à une masse !


reshoring Québec

La pensée linéaire tend à simplifier toute chose pour tenter de la ramener à sa plus simple expression, ce qui permet alors d’apporter une solution aussi simple que son expression. Pour l’économie américaine, la philosophie trumpienne a décidé que les tarifs seraient le remède unique et universel. C’est comme décréter que l’aspirine est désormais la seule façon de régler tous les problèmes de santé. Et, tant qu’à faire, administrons le remède en doses de cheval, quitte à tuer le patient pour mieux le sauver par la suite. Quand on parle de masse!


J’ai passé ma vie professionnelle à tenter de planifier une réponse pérenne à la vitalité économique des milieux. Pour moi, dans une planification, il y a trois niveaux qui permettent d’articuler une réponse intelligente à tout problème. D’abord la vision ou l’objectif à atteindre, ensuite la stratégie qui définit le contexte, les opportunités et les menaces qui vont teinter les tactiques de la mise en œuvre et les outils qui en découleront.


Une vision économique intéressante


En économie, sans être une personne de droite, et à l’instar de plusieurs analystes, je partage certaines des visions trumpiennes, qu’on pourrait d’ailleurs adapter au Québec ou plus largement au Canada. En particulier, la pandémie m’a démontré que rapatrier certains pans de l’économie, particulièrement au chapitre de l’industrie manufacturière, était une vision à considérer. En effet, la pandémie a cruellement démontré que la dépendance des chaînes de valeur de certaines industries stratégiques pouvait conduire à un chantage de rivaux politiques hostiles. Cela est particulièrement vrai dans les domaines de l’agroalimentaire, de la pharmacie et de l’électronique. Dans ces domaines, les économies occidentales ont été négligentes en permettant, pour de strictes considérations pécuniaires, le contrôle presque absolu des économies émergentes. Par exemple, je suis diabétique et je n’aime pas particulièrement que les médicaments qui me maintiennent en vie proviennent de Chine ou de l’Inde, pays qui pourraient, en cas de guerre commerciale, restreindre l’approvisionnement de mes pilules.


L’autonomie alimentaire et la souveraineté technologique méritent aussi de reconsidérer le déploiement de ces chaînes de valeur. Nos économies occidentales pourraient donc appliquer pour ces domaines les mêmes garde-fous que pour les produits militaires. Mais il est stupide d’antagoniser les alliées de l’Amérique pour rapatrier indifféremment la production de missiles et celle des jouets en plastique, qui incidemment ne peut que créer des emplois de faible valeur. Qui veut une usine de stylos au Québec employant 200 personnes payées à 5,00$/heure?


Une vision, mais aucune stratégie


Cela dit, si je partage cette vision d’un certain rapatriement manufacturier, je ne partage pas la stratégie mise en place par l’administration de Trump…mais y a-t-il une stratégie? Mon opinion est justement que NON. Aucune stratégie ne commande les tactiques mises en place. Et comme ces tactiques ne reposent sur aucune stratégie, on se retrouve devant une tactique de « terre brûlée ». Si on tue tout le monde, on tue les ennemis. On utilise une masse, alors que le scalpel serait plus adéquat.


Bref, Trump saute de la vision directement vers la tactique la plus vigoureuse qui soit : une masse pour enfoncer une épingle.


Cette tactique, si elle est maintenue, se soldera en un réalignement majeur des flux logistiques d’abord et des chaînes de valeur par la suite. Pour le Québec, cela peut se traduire par des opportunités très importantes. Et je ne parle pas ici exclusivement de l’idée de diversifier nos marchés d’exportation. Si c’est certainement une voie à suivre, les réalités géographiques nous condamnent à rester fortement liés au marché américain. En d’autres termes, si on diminuait de 75% à 60%, notre dépendance au marché de notre puissant voisin, cela serait extraordinaire. On comprendra tout de suite que 60% restent une forte dépendance économique.


Pendant ce temps, au Québec…


Donc, il s’agit de repenser notre stratégie selon un modèle où le client américain n’est plus fiable et pour l’accès duquel il faudra payer un droit d’entrée. Avec le temps, et en toute logique, ce droit d’entrée devrait se stabiliser autour de 10% en moyenne, n’en déplaise à l’administration Trump. L’eau, les terres rares et l’énergie sont nos armes les plus importantes pour exclure la gestion de l’offre et la culture française de la table de négociation, même si celle-ci est conduite par le gouvernement fédéral.


La stratégie manufacturière québécoise doit donc s’articuler autour de produits nichés à forte valeur ajoutée (c’est déjà largement le cas). C’est peu connu, mais la situation de l’industrie manufacturière au Québec est moins préoccupante que celle des États-Unis si on utilise la part du PIB comme indice de comparaison. En décembre 2024, le PIB manufacturier américain, quoiqu’en légère croissance (2 400 milliards de dollars) représentait moins de 10% du PIB du pays. Celui du Québec, à la même date, bien qu’en baisse, affichait 12,5%.


En fait, si les emplois manufacturiers ont baissé graduellement depuis les années 1980 (un sommet de 885 000 emplois en 1984), ils reprennent une vigueur modeste, mais inattendue depuis quelques années et affichent quelque 445 000 emplois (2023). Il est évident que ces emplois sont plus solides que les emplois du siècle précédent, souvent concentrés dans les secteurs mous de l’économie.


Si notre productivité demeure sous les standards américains et même canadiens, notre forte proportion de PME manufacturières crée une stabilité et une résilience de l’emploi puisque leur niveau d’adaptabilité est élevé. Dans cette optique, une barrière tarifaire de 10% ou même de 15% est moins dommageable si le produit niché qui en est victime ne s’adresse qu’à la portion la plus riche d’un marché donné. C’est un peu le constat que faisait le PDG de Bombardier, M. Éric Martel. Depuis la concentration de la production de la compagnie dans le marché niché des avions d’affaires, il a constaté une résilience plus grande aux fluctuations des marchés.


Si cela est vrai pour Bombardier, cela peut s’appliquer à toute PME manufacturière qui applique la même logique. En définitive, on ne doit pas (ou on ne peut pas) bouder le marché américain qui demeure à nos portes. Il faut plutôt adopter une stratégie là où justement, l’administration américaine actuelle n’en a pas, pour changer un problème en opportunité.

Quand viendra la constatation aveuglante qu’un reshoring tous azimuts est impossible, les marchés nichés que nous aurons préservés auront une valeur stratégique importante, surtout si nous nous concentrons sur l’agroalimentaire, le pharmaceutique et l’électronique…


Dans nos parcs industriels


Localement, cela veut aussi dire adapter l’offre immobilière locale à ce nouveau paradigme. Des terrains plus petits, avec un coefficient d’occupation au sol plus près de 40-50% et une offre locative plus importante…


 

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