Dans le développement de son territoire, le rôle municipal a toujours été celui d’un arbitre. En effet, la municipalité édicte les règles, s’assure qu’elles sont respectées et sanctionnent les fautifs. Dans le développement résidentiel et même dans le développement commercial, ce rôle est amplement justifié puisque les promoteurs immobiliers ont « l’espace financier » pour assurer le développement harmonieux d’un secteur donné. On peut exiger d’eux le paiement d’infrastructures de plus en plus complètes et sophistiquées dans la mesure où ils peuvent refiler à l’usager ces charges sans affecter le rendement de l’investissement, déclencheur d’un projet. Cela est vrai tant que le prix à la fin du processus reste acceptable et concurrentiel pour le client.
Au cours des dernières années, on a observé en effet que des coûts relativement importants de nouvelles infrastructures (en plus des infrastructures de base que sont les égouts, les aqueducs et la construction de rues et de trottoirs) ont été acquittés par les promoteurs :
Enterrement des fils électriques
Équipement de parcs (frais de parcs);
Aménagements de zones vertes tampons;
Etc.
Dernièrement, on parlait même de demander aux promoteurs de réserver un terrain pour une école au sein des grands ensembles résidentiels. Tout cela est possible parce que l’augmentation du coût des terrains reste acceptable pour l’utilisateur et parce que les nouveaux acheteurs acceptent l’achat d’une propriété dans des zones de plus en plus densifiées.
Donc, tant que le coût de ces aménagements, réparti entre chaque propriétaire, reste dans une marge économique acceptable qui ne limite pas trop l’accès à la propriété, la municipalité peut se cantonner dans son rôle d’arbitre, quitte à financer l’acheteur pour améliorer l’accessibilité à la propriété.
Un jeu de dupes
Cependant, nous mesurons de plus en plus que la municipalité est la grande perdante dans ce jeu économique. L’augmentation de la population, même quand le coût de l’aménagement du territoire est entièrement absorbé par le promoteur, génère des coûts importants pour la municipalité (entretien des rues et des espaces publics ainsi créés, coûts de gestion des ordures, mais aussi coûts liés aux loisirs, à la culture, à la prévention – incendie, sécurité – etc.). Nos calculs montrent d’ailleurs que chaque nouveau dollar perçu du domaine résidentiel coûte en moyenne quelque 0,85$ en services. Certaines municipalités se rendent même compte que les coûts engendrés par de nouveaux secteurs résidentiels dépassent les revenus de taxation espérés!
La logique économique du développement industriel est différente
La structure économique du développement industriel ne permet pas au promoteur d’absorber des coûts d’aménagement important. Dans plusieurs cas, le prix de vente au m² stagne à cause surtout de la pression de certaines municipalités qui donnent ou vendent à prix très faible les terrains qui lui appartiennent pour attirer des entreprises. Cela reste une pratique intéressante pour attirer des investissements et créer des emplois, mais, en ces temps de pénurie de main-d’œuvre, l’efficacité de cette méthode devrait être repensée.
Il est par ailleurs impossible pour le promoteur d’absorber les coûts de « viabilisation » à même le produit d’une vente de terrains. Mais, le problème est aussi autre : beaucoup d’entreprises industrielles ne veulent plus acheter leur bâtiment; ils préfèrent la location. Ce constat rend donc important le recours aux promoteurs.
Donc, d’un côté, les promoteurs ne veulent ni ne peuvent absorber les coûts de viabilisation et de l’autre, ils sont essentiels au développement des parcs industriels. Cette apparente contradiction ne peut se dénouer que si la municipalité devient un acteur du développement industriel et laisse de côté son rôle d’arbitre. Elle est d’autant plus justifiée de le faire que chaque dollar de taxation récolté en industrie de génère que 0,37$ de coûts en moyenne! Plusieurs municipalités rapportent même un coût inférieur.
Comment la municipalité doit-elle jouer son rôle?
Plusieurs avenues s’offrent pour élaborer une collaboration riche en retombées rapides et payantes. Par exemple, la conclusion d’entente de développement où la municipalité absorbe le coût des infrastructures et où le promoteur construit l’hébergement industriel requis constitue une base de départ intéressante dans plusieurs cas. L’absorption des coûts de viabilisation par la municipalité peut se justifier par la marge importante entre les revenus de taxation et les coûts des services reliés, ce qui laisse une bonne place pour le remboursement des investissements ainsi consentis.
La gestion du risque doit donc être partagée entre les promoteurs, la municipalité et un éventuel groupe financier selon des modalités où chacun joue un rôle pour attirer, conserver et promouvoir un parc industriel de haute qualité.
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