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  • Photo du rédacteurLouis Grenier

Diminuer le prix des terrains industriels : une stratégie désuète d’attraction des investissements

Dernière mise à jour : 7 mars

Si la pandémie nous a appris quelque chose, c’est qu’il faut se méfier des idées reçues, particulièrement en matière d’économie. Non, le ralentissement économique n’a pas résolu la pénurie de main-d’œuvre et, dans mon domaine, non, la pandémie n’a pas tué l’immobilier. C’est aujourd’hui un euphémisme de le proclamer : jamais l’immobilier n’a été aussi enflammé.

Or pendant qu’on observe des augmentations spectaculaires des prix des terrains résidentiels et commerciaux – malgré, dans ce dernier cas un ralentissement des activités – plusieurs gestionnaires de parcs industriels maintiennent des prix très bas pour « attirer » des entreprises.

 

La requalification de sites industriels est un terme qu’on entend sur toutes les lèvres depuis quelques années. Les nouveaux paradigmes en matière de développement des territoires ne font qu’accentuer cette réalité. La France et le Québec préconisent des approches distinctives à explorer !

Rejoignez Marc De Nale, Directeur Général de l'Association PALME, lors de la conférence “Requalification de sites industriels”


 

Or, on observe des prix élevés, même dans le domaine industriel, dans plusieurs parties de la ville de Montréal et ce ne sont pas ces prix élevés qui ont empêché la construction de nouveaux projets industriels. Dans certains cas, des transactions industrielles se sont conclues à 30$/pi² et même 40$/pi² (notamment dans l’ouest de l’île).

En bref, si certains projets industriels désertent l’île de Montréal, ce n’est que rarement à cause des prix, mais plutôt à cause de la rareté de terrains adéquats pour un projet donné.

Dans le sondage annuel de la firme Area Development, le coût du terrain n’apparaît jamais dans les 28 premiers critères de sélection. Cette constatation est restée vraie au cours des 6 dernières années disponibles (2015 – 2020). Seule la disponibilité des terrains – et non le prix - semble préoccuper les dirigeants sondés et encore, le critère se trouve-t-il au milieu de peloton en 2020 (16e rang) et il n’a jamais dépassé le 10e rang (2017).


Tableau avec premiers critères de sélection pour investissements

Il semble donc qu’au cours des dernières années, ce facteur qu’on pense primordial a été largement occulté par des considérations relatives à la disponibilité et au coût de la main-d’œuvre, la qualité de vie ou la disponibilité des sources d’énergie.

Si le coût global de construction et d’occupation reste important (6e rang) et que, dans ce coût, le coût du terrain peut être un facteur à considérer, bien des mécanismes immobiliers peuvent servir à compenser son effet. La plupart des promoteurs immobiliers privés proposent ainsi à leurs clients un étalement du loyer dans lequel le coût du terrain devient un élément congru du prix total par rapport au coût d’occupation du bâtiment.

Il y a donc lieu de revoir une politique de coût basée sur un prix de terrain ridiculement bas par rapport à l’inflation que l’on observe sur le marché immobilier.


Les effets pervers du maintein d'un prix pas Certains terrains industriels se vendent encore entre 0,50$/pi² et 1,00/pi² alors que les prix du terrain résidentiel brut s’envolent à partir de 10$-15$ et que les prix nets (avec services et lotissement) frisent 100$.

À maintenir ces prix très bas, deux effets pervers se font jour :

1) Les industriels achètent beaucoup plus de terrain qu’il n’est nécessaire pour leurs activités avec des taux d’occupation au sol de 10% et moins. En ces temps de densification et de volonté de contrôler l’étalement urbain, cette situation crée à terme une pénurie de terrains industriels, forçant les administrations publiques à ouvrir encore plus de terrains industriels, souvent dans la zone verte, ce qui est contre-productif;


2) Certains promoteurs achètent un terrain industriel à bas prix sous prétexte de construire un projet industriel et arguent, quelques années plus tard, que le projet abandonné ne pourra être remplacé et demandent par conséquent un changement de zonage pour un développement résidentiel.

Dans ce dernier cas, on m’objectera que plusieurs municipalités ont prévu un mécanisme de rachat d’un terrain non développé, mécanisme assorti de pénalités. C’est vrai, mais ce type de mécanisme est rarement appliqué et les aléas de la politique locale les rendent souvent caduques.

Sans compter qu’à ces montants, il est impossible de viabiliser correctement les terrains ainsi vendus (égouts, aqueduc, rues, protection des milieux humides, etc.). La viabilisation repose donc sur les épaules de tous les payeurs de taxes. Nous avons calculé que le prix moyen de viabilisation minimale (égout sanitaire, égout pluvial, aqueduc et route d’une emprise de 18 mètres) d’un parc industriel est de 2,00$/pi². Dans ce prix, on ne compte pas l’éclairage, la protection des milieux humides, des aires de repos, des bordures de rues, des aménagements pour des services de gaz et de fibres optiques, etc.

Je ne renie pas l’importance d’attirer des entreprises manufacturières, car elles demeurent l’épine dorsale de la vitalité économique des milieux. Je constate cependant que la vente de terrains industriels à très bas prix n’est pas la meilleure arme pour ce faire dans un monde où les préoccupations principales des industriels sérieux sont tout autre. À l’heure où le gouvernement québécois lance son programme de certification des terrains industriels (Programmes / Programme de certification de terrains industriels - MEI (gouv.qc.ca)), il serait beaucoup plus efficace de repenser l’offre immobilière à l’aune des critères de cette certification et de travailler beaucoup plus étroitement avec les promoteurs immobiliers locaux pour un partage des coûts et des risques associés au développement immobilier industriel. Les paradigmes du développement industriel changent, changeons nos façons de faire pour ajuster l’offre à la demande.

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